Conférence exceptionnelle sur la Villa Médicis par son directeur Sam Stourdzé
Mercredi 30 avril 2025, à 17 heures, salle Vauban à Saint-Martin de Ré, a eu lieu une conférence hors du commun organisée en partenariat avec la Société des Amis des Arts de La Rochelle. Sam Stourdzé, spécialiste de l’image contemporaine et des relations entre art, photographie et cinéma nous a transportés dans un lieu d’exception, siège de l’Académie de France à Rome depuis 1803.
Chaque année, l’Académie de France située dans la villa Médicis sur la colline du Pincio à Rome, accueille plus de 70 artistes, créateurs et chercheurs en résidence pour des séjours de longue ou de courte durée. Plus de 2000 pensionnaires ou résidents s’y sont succédé.
Cette mission fondatrice voulue par Louis XIV, définie par Colbert en 1666, limitée à l’origine aux peintres, sculpteurs et architectes, s’est peu à peu élargie à toutes les disciplines artistiques, des arts plastiques aux métiers d’art, de la création musicale ou littéraire à l’histoire de l’art en passant par la restauration d’œuvres.
D’abord installée dans une modeste maison sur les pentes de la colline du Janicule, l’Académie déménage en 1673 au cœur de Rome au palais Caffarelli, puis au palais Capranica en 1684 et enfin au palais Mancini en 1725. En 1803, Napoléon 1er achète la Villa. Désormais, ce lieu magique et l’institution ne feront plus qu’un.

L’intervention de Sam Stourdzé a été particulièrement riche. Tant de choses sont à découvrir sur ce lieu exceptionnel, seul établissement public français sous la tutelle du ministère de la Culture situé à l’étranger. Ses missions bien sûr, son histoire et celle depuis l’Antiquité du lieu, la Villa Médicis en elle-même : le palais, les jardins habités par 73 statues d’Hermès, les décors ainsi que les œuvres d’art qui ornent ses murs. Leur conservation, l’étude et la mise en valeur du patrimoine architectural et paysager est aujourd’hui au cœur des missions de l’Académie de France à Rome. Sam Stourdzé, malgré les contraintes que cela implique, se réjouit que “la Villa et les jardins remarquables soient placés sous la tutelle à la fois des architectes des Bâtiments de France et sous celle des architectes italiens”. Ce placement, selon lui, garantit la préservation de l’ensemble et permet la valorisation du patrimoine de demain grâce à la création contemporaine.
Inaugurés le 3 juin 2025
Quand il a pris ses fonctions, il y a cinq ans, le directeur avoue avoir été “désolé de voir l’état lacunaire, disparate et confus du mobilier qui ne racontait plus d’histoires”. Il a donc lancé un programme idéaliste pour faire revivre les 21 salons et chambres ainsi que 2 jardins.
Avant lui, des directeurs renommés avaient contribué à façonner l’aspect de la Villa. En 1833, le peintre orientaliste Horace Vernet créé la “chambre turque”. Celle-ci reçoit aujourd’hui un mobilier contemporain. En 1961, Balthus est nommé par André Malraux. Il lui offrira “le carnet de chèques de la République”. Jusqu’en 1977, génial visionnaire, il “réinvente la Renaissance” remeublant les pièces avec un décor vernaculaire, des armoires vénitiennes, créant des luminaires et habillant les murs de merveilleuses patines. A partir de 2002, le designer et scénographe Richard Peduzzi crée à son tour du mobilier, refait la bibliothèque, la salle de cinéma.
Aujourd’hui, une “Carte blanche” a été donnée à de nombreux artistes, architectes, designers et artisans d’art qui, selon Sam Stourdzé, “ont réenchanté la Villa”. Pour 6 salons, le choix s’est porté sur des directeurs artistiques issus du monde de la mode dont Kim Jones. Du mobilier est à nouveau conçu. Une attention toute particulière est donnée au choix des matériaux en provenance des alentours : travertin comme sur la voie Appia ou châtaigner, essence du Lazio. Sam Stourdzé se réjouit de pouvoir bénéficier du Mobilier national alliant ainsi des tapisseries des Gobelins, des tapis d’Aubusson à la conception d’un lit habillé d’une incroyable marqueterie colorée conçue pour la chambre Gallilée par India Mahdavi
Pour 9 chambres non classées, un concours a été lancé auprès de jeunes architectes qui en duo avec un représentant d’un métier d’art, céramiste, ébéniste, émailleur… devaient former un duo pour signer un espace atypique. L’ensemble sera inauguré le 3 juin 2025

Un lieu aux multiples missions
Centre d’arts, résidence d’artistes, lieu d’exposition, de recherche et de transmission, cette villa renaissance accueille annuellement deux festivals. Le festival des Cabanes investit 6 carrés historiques dans les jardins. Prouesses techniques car il est interdit de creuser dans cette zone archéologique, ces structures extraordinaires ont pour thème le développement durable, l’écologie et la ressourcerie. Le festival du film se déroule quant à lui aussi bien à l’intérieur que sur la terrasse qui peut accueillir 700 personnes.
Pensionnaires et résidents
De nombreuses artistes réputés y ont été pensionnaires (Prix de Rome jusqu’en 1968) : Victor Baltard, Georges Bizet, Jean-Baptiste Carpeaux, Claude Debussy, pour n’en citer que quelques-uns. Et depuis 1968, Jean-Michel Othoniel, Yan Pei-Ming, Anne et Patrick Poirier, Alain Fleisher, Hervé Guibert, dans des domaines aussi variés que la peinture, les arts plastiques, la photographie, la littérature… Quant à lui, Sam Stourdzé en a été pensionnaire en 2008-2009 pour le cinéma.
Chaque année, 16 pensionnaires sont accueillies avec conjoint et enfants pour une année de recherche et de création. Le but est de libérer l’artiste de toute contingence matérielle. Sauf, pour la résidence culinaire, nulle production ne leur est demandée. C’est ici que l’artiste plasticienne Eva Jospin a trouvé la technique de la dentelle en carton, précise Sam Stourdzé. Le directeur s’amuse par ailleurs que “Maurice Ravel a postulé quatre fois… sans succès”! Sur les 16 pensionnaires, une dizaine de femmes sont sélectionnées cette année. La première artiste a être admise à l’Académie est la sculptrice Lucienne Evelmans en 1911, puis en 1913, Lily Boulanger. Mais pas question de résider à la Villa. Elles étaient logées en ville accompagnée d’un chaperon.
Des résidences courtes d’environ un mois accueillent une soixantaine de personnes. Enfin, Sam Stourdzé se réjouit du programme créé il y a trois ans avec la région Nouvelle Aquitaine pour accueillir durant une semaine des lycéens professionnels en particulier dans le secteur agricole.
Une visite incontournable
Sans nul doute, cette conférence vous aura convaincus de vous rendre à Rome pour découvrir les temps forts qui animeront la Villa dans les mois à venir.
Outre, tous les décors évoqués ci-dessus, une balade sur les 7 hectares vous fera admirer certaines des quelque 4000 variétés d’agrumes et peut-être dans la chambre du cardinal le fameux tableau de Manet “le citron”. Dépêchez-vous car il n’a été prêté que trois mois par le musée d’Orsay. Dans les jardins, vous vous arrêterez pour lire le poème en vingt mots de Laura Vasquez dont chacun d’entre eux a été gravé sur une des pierres qui supportent les pots de citronnier.